L'Entre-Deux Mondes : Acte VII, scène 1

Publié le par Le Balafré

Mettre le Feu n'est pas une réalité, c'est un rêve, un rêve d'au-delà les mondes du sommeil, voyageant plus vite que la lumière et qui modifie le temps et l'espace (...). En cela, le rêve devient plus grand que la réalité.

 

 

Coda cent sept de la Confrérie Anachronique.

 

 

 

 

 

                Posés sur la table en bois massif, les huit Talismans sacrés attendaient l'instant de la Joute. Et quelle Joute! Une des plus périlleuse de la Confrérie Anachronique.

 

On rapporte que Vulcain, lui-même, en serait l'instigateur : selon la Légende, il aurait façonné huit pièces de bronze pendant huit jours et huit nuits afin de montrer sa bravoure et sa force à la déesse Vénus, qu'il aimait d'un amour secret.

 

Par jalousie ou par méchanceté, un Dieu de l'Olympe (car cela ne pouvait être qu'un Dieu) réussît à dérober sept des huit chefs d'oeuvres du Forgeron Céleste.

 

De colère, Vulcain brûla la langue de tous ses esclaves, les rendant muets; puis, il accusa Bacchus, le Dieu du Vin, qui devait d'ailleurs se taper sauvagement la Nymphomane de l'Espace, un peu plus tard.

 

Depuis, la croyance populaire a transmis, non sans adaptation, cette épisode, de génération en génération, en créant une Joute et que l'on retrouve dans les préceptes de la Confrérie Anachronique au Chapitre des Défis du Combattants.

 

Ce fut le faiseur de Pierre en personne, qui devança la réunion du Groupe pour se mettre à l'épreuve : il désirait tester sa Flamme Intérieure.

 

- Le résultat sera d'autant plus probant que vous vous y investirez, avait-il déclaré à ses compagnons. Il ne faut pas qu'un seul instant, je puisse et que vous puissiez, douter de l'état de mes pouvoirs.

 

Chacun avait enregistré la requête du Faiseur de Pierre et récitait en son fort intérieur, les règles de la Joute : neuf jouteurs, huit Talismans, des cartes de Puissance; à chaque combinaison parfaite des cartes, que l'un des joueurs parvenait à rassembler au hasard des échanges, un cri violent précédait à la récupération d'un Talisman : un seul joueur se retrouvait inexorablement sans Talisman et devenait un Mort Vivant, muet. Il disposait cependant du pouvoir de transformer un joueur en Mort Vivant simplement en l'incitant à lui parler. Dans ce cas, il redevenait un joueur du Vivant. Chacun disposait de trois vies : en les perdant toutes, le joueur était déclaré Impur et subissait la Joute du Tas.

 

Cette complexité donnait lieu à des rixes violentes et impromptues; le manque d'attention, d'habileté, de ruse et de réflexe représentaient autant d'handicaps pour garder ses vies jusqu'au bout de la Joute.

 

A présent, tous les MDB s'observaient, cherchant à évaluer les capacités de chacun et de repérer les plus faibles d'entre-eux.

 

Le faiseur de Pierre prononça la litanie sacrée, marquant le début de la Joute. Le rythme s'accélérait très vite; les Morts-vivants se succédaient, laissant planer une confusion quasi permanente.

 

Dans la pénombre de la salle, les respirations se saccadaient, la ferveur emplissait le coeur des jouteurs refoulant leur crainte de finir sous un Tas.

 

La Palpeuse Béarnaise perdit et dut subir le tas.

 

Trop énervée, trop impulsive, elle ne put contrôler les combinaisons qui s'opéraient. Elle avait accumulé les erreurs et perdu les uns après les autres, ses crédits de vie; harcelée par le reste du Groupe, sa tactique s'était évanouie dans les nimbes ténébreuses.

 

Son désespoir se nourrissait des échecs successifs qu'elle avait subi, engluant ses énergies vitales, alliées impuissantes de la dernière chance.

 

Dans un cri d'effroi, elle comprît sa chute et sa condamnation à la Joute du tas, l'humiliation suprême.

 

Cependant, passé cet instant de peur, elle se reprit et accepta la sentence cruelle, le port altier.

 

Sans un mot, sans même dénier porter un regard sur ses compagnons (l'étaient-ils toujours à cet instant?), elle se leva et s'allongea sur le sol attendant ainsi l'éxécution du jugement:

 

- Allez-y! Passez-moi sur le corps! Puissent la cuisse de Canard et le Madiran, m'aider dans cette épreuve!

 

Pendant ce temps, les autres Guerriers savouraient leur victoire commune. Tous plaignirent la victime, mais chacun se garda de surseoir au jugement établi; trop heureux d'échapper au tas.

 

Le faiseur de Pierre semblait satisfait et rassuré sur l'intégrité de ses pouvoirs; le taciturne rendait grâce aux Dieux du Jeu de l'avoir épargné et le large sourire qui se peignait sur son visage, en disait long sur sa satisfaction.

 

Le Créateur Cruel, le Balafré, le Paradoxal et le faiseur d'Idylle se stimulaient pour accomplir un tas digne de ce nom; ils décidèrent de conserver une intransigeance et de rien concéder à la jeune femme :

 

- Ce ne sera pas un tas de pédés, avait déclaré le Créateur cruel.

 

- Ah! çà, c'est clair; elle va morfler! s'exclama le Paradoxal.

 

- Salopard! Traître! s'écria la Palpeuse, t'es bien comme tous les autres dès qu'il s'agit de sauter sur une fille!

 

- Toi, la Femelle, tu te tais et tu attends ton châtiment sans discuter, intervînt le Balafré.

 

La Combattante écarquilla les yeux, fixant le Groupe : elle avait peur, à présent et son corps frissonnait :

 

Ils vont vraiment m'éclater les seins et les tripes, s'horrifia-t-elle, voire même un ovaire!

 

Soudain un bruit sourd retentit et la Guerrière n'eut que le temps de voir le groupe se jeter sur son corps.

 

Son esprit rejoignit les ténèbres, accompagné de sanglots et de meurtrissures. Perdu dans les dédales de la douleur, il cherchait une issue; mais l'inertie l'handicapait.

 

La Palpeuse Béarnaise se croyait morte quand elle reconnut ses amis en ouvrant les yeux.

 

- Merde! réussit-elle à crier, mais vous m'avez pété quelque chose, bande de muscaillons! Morniflures de pucelle, vous devenez vraiment des sauvages incontrôlables!

 

Les exécutants de la sentence riaient encore aux éclats, ne prenant cas des accusations de la jeune femme allongée.

 

- Palpeuse Béarnaise, prononça le Faiseur de Pierre, ma soeur, tu as été sacrifiée sur l'Autel de la Joute du Bouchon, mais ton abnégation et ton courage m'ont permis de retrouver ma Flamme Intérieure et d'accomplir sereinement ma mission de MDB. Sois donc bénie.

 

- Je t'emmerde, répondit doucement la Palpeuse Béarnaise.

 

- Pardon, ma soeur?

 

- Je crois que vous m'avez autant respect‚ qu'une vomissure de glaires fermentées et que j'ai servi d'exutoire à vos orgasmes réprimés! Je répète donc : je t'emmerde.

 

Le Faiseur d'Idylle et le Créateur Cruel aidèrent la Palpeuse Béarnaise à se relever, prenant soin d'éviter son regard. L'excitation évaporée, les MDB se regroupèrent à nouveau, ne faisant qu'un.

 

- Il est temps de rejoindre l'Entre-Deux Monde, s'impatienta le Paradoxal. Ne laissons pas notre Flamme Intérieure se consumer trop vite!

 

- Humpf! Oui! Oui! Vite! Du Fluide à profusion! S’emporta le Taciturne, déjà harnaché de sa coquille et de ses apparats.

 

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